« Tu crois qu’il va me reconnaître ? Ça fait quand même presque 70 ans ! ». Dans la voiture, Marie-Louise Marius, que tout le monde appelle Zizou, est fébrile… Cette rencontre, elle n’osait même plus en rêver, alors que les souvenirs liés à cette période sont toujours aussi vifs.
Zizou Marius, tout le monde la connaît au village : elle est « l’atsem » inoubliable de centaines d’enfants passés par la maternelle St Georges. Un cœur gros comme ça et un lien à l’enfance qu’elle cultive depuis toujours comme un trésor.
Ce que l’on sait moins de cette varoise arrivée toute jeune à Villeneuve Loubet, c’est qu’avant même l’existence de l’école St Georges, elle œuvrait déjà au bien-être d’enfants qu’on lui confiait pour quelques semaines, parfois des mois. « Je travaillais à l’époque à l’aérium « Les Jours Heureux », dans la montée qui mène au tunnel. Il s’agissait d’un établissement où l’on envoyait des enfants de toute la France pour des périodes de convalescence ou pour soigner des pathologies chroniques au bon air du sud et de la mer. » A peine majeure à l’époque, la jeune femme accueille les enfants et s’en occupe toute la journée dans la grande bâtisse villeneuvoise. « Nous faisions de notre mieux avec peu de moyens pour donner à ces enfants une vie de famille et tout ce qui pouvait leur manquer, explique-t-elle, le regard déjà loin dans des souvenirs qui l’ont accompagnée toute sa vie.
« Je me souviens de ce petit garçon qui avait perdu sa maman. Il disait toujours qu’à Noël son papa allait lui envoyer un train. Les autres enfants se moquaient parfois de lui car le colis n’arrivait pas et nous, nous savions qu’il n’en recevrait pas. Un jour, je suis donc descendue à la mercerie qui vendait des jouets, j’ai acheté un train en bois, je l’ai emballé dans un carton avec un manteau que nous lui avions tricoté et un matin, il a donc reçu son train ! Mon Dieu, je le revois encore en train d’arracher les papiers de l’emballage et s’exclamer en allant voir tout le monde « vous voyez, je vous avais dit que mon père m’enverrait un train ! ». L’année suivante malheureusement son papa est décédé et rapidement après l’assistance publique est venu le chercher. Il s’accrochait à moi, et je ne voulais pas non plus le laisser partir, mais j’étais très jeune et je ne savais pas quoi faire. Ça a été un arrachement. Je n’ai jamais su où il était allé ni ce qu’il était devenu. J’ai essayé de le rechercher sans succès mais je ne l’ai jamais oublié » confie-t-elle, avec une émotion intacte.
Mais si ces retrouvailles n’ont pas encore pu avoir lieu, le miracle des réseaux a permis à Zizou de retrouver très récemment un de « ses petits » des Jours Heureux.
François Lyazid, originaire du Nord de la France, séjournera aux Jours Heureux, cinq années durant, de Noël à Juin dans les années 50, pour combattre son asthme. Il en garde un souvenir lumineux, des jours heureux de gosse dont la vie dans une famille nombreuse et modeste lui fait entrevoir ces périodes comme de grandes vacances aux heures légères. Ayant toujours voulu revoir ce lieu de son enfance, il poste à tout hasard il y a quelques mois un message sur les réseaux sociaux villeneuvois : « Est-ce que quelqu’un a connu « Les Jours Heureux » ? » Bonne pioche pour cette bouteille à la mer, un internaute lui répond par l’affirmative et le met en contact avec Zizou qu’il n’a bien sûr pas oubliée. Après une prise de contact téléphonique et déjà de nombreux souvenirs évoqués, François décide de traverser la France pour venir rencontrer Zizou, à Villeneuve Loubet.
Les retrouvailles ont lieu par un bel après-midi de Septembre, devant la mairie, avant de se diriger vers la fameuse bâtisse qui existe toujours et est la propriété d’un particulier, Mr Mariottini, depuis plusieurs dizaines d’années. L’entrepreneur qui a tenu à se libérer de ses obligations professionnelles quelques heures pour accueillir François et Zizou, ouvre alors grand le portail sur un bouquet de souvenirs, des plus tendres aux plus émouvants.
Sur le trottoir étroit qui mène au tunnel et avant de rentrer, Zizou n’a rien perdu de sa bienveillance envers ses petits protégés « François, fais attention tu es trop près de la route » serine-t-elle au septuagénaire comme s’il s’agissait d’un petit enfant… « Que veux-tu, même à 70 ans, ils restent tous mes petits ! » sourit-elle.
La visite s’ensuit comme un puzzle qu’on recompose et se conclue entre rires et nostalgie, ajoutant à l’album de deux vies qui se sont croisées et se rencontrent à nouveau comme un parfum de jours heureux.
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